cofondateur de Verkor et Directeur de l’innovation
Grenoble a une riche histoire en matière d’entreprenariat et d’innovation. C’est un terreau très fertile pour travailler sur tous les sujets scientifiques, technologiques, industriels et sociétaux importants pour nous. Sur le front scientifique et technologique, il y a bien sur tout l’écosystème des acteurs de l’innovation dans les domaines de l’énergie, de la chimie et des matériaux, auquel s’ajoutent les acteurs très en pointe, de la recherche fondamentale à l’industrialisation, dans les domaines des semiconducteurs et du digital qui nous aident à penser, concevoir et déployer des processus de production intelligents et durables, de batteries performantes, recyclables et recyclées
Le projet Verkor est atypique, par son ambition, sa taille et ses dimensions multirégionale, européenne et internationale. Pouvez-vous rappelez le rôle des acteurs qui participent à la « giga » aventure ?
Verkor c’est une entreprise au sens plein du terme, c’est une vision en matière de compétitivité européenne qui doit être à l’échelle des enjeux de soutenabilité, c’est un projet hors norme et de « réseau » qui implique un ensemble d’acteurs complémentaires et indispensables.
C’est avant tout une équipe d’entrepreneurs de l’industrie aujourd’hui multiculturelle et multidisciplinaire à qui tous ces acteurs font confiance, élément essentiel à notre réussite. Nous étions six il y a trois ans, nous sommes 400 aujourd’hui. Côté entreprises, c’est l’engagement depuis le début de Schneider Electric sur le volet expertise industrielle et opérationnelle, un partenariat commercial de long terme déterminant pour assurer nos débouchés avec Renault Group, c’est l’engagement de Capgemini sur le potentiel du numérique et des données au service de l’excellence dans la fabrication de batteries bas carbone.
Coté investisseurs, c’est l’engagement d’EQT Venture lors de notre première levée de fonds, celui de notre investisseur principal aujourd’hui Macquarie qui a un rôle de premier plan dans la mobilisation de volumes très importants de capitaux privés nécessaires à notre projet, c’est l’engagement de long terme également de Meridiam, le soutien de l’Etat français dans la cadre de France 2030, et de la Banque Européenne d’Investissement dans le cadre du Green Deal. Tout cela est né à Grenoble, sans trop de surprise pour qui connait l’écosystème Grenoblois.
Vous venez de donner le premier « coup de pioche » à Dunkerque, pour une production qui doit démarrer en 2025. Quelles sont les principales conditions de réussite opérationnelle de votre projet ?
La gigafactory Verkor à Dunkerque c’est à terme la production de batteries pour 300 000 véhicules électriques sur les 2 millions prévus dans le plan France 2030. La ligne pilote aujourd’hui à Grenoble c’est une capacité de production de batteries pour 3 000 véhicules. Cela donne une idée très concrète de l’échelle « giga » à laquelle nous opérons : notre gigafactory à Dunkerque, c’est une production à une échelle 100 fois plus grande que celle de la ligne pilote actuellement en développement à Grenoble. Les enjeux sont donc de taille, dans tous les sens du terme. C’est aussi pour cela que l’aventure est absolument passionnante.
Parmi les enjeux majeurs, on peut en citer au moins trois, à commencer par celui des talents qu’il nous faut réunir pour faire de cette aventure une réelle réussite industrielle. Aujourd’hui, nous avons une équipe d’une vingtaine de personnes sur Dunkerque, et à terme ce sera une équipe de près de 1 200 personnes.
Il nous faut anticiper une nouvelle donne, former sur des métiers en transformation et recruter bien sûr. L’école de la batterie que nous avons initiée à Grenoble répond à cet enjeu qui concerne au-delà de Verkor tous les acteurs concernés de près et de loin par la transformation de nos mobilités. C’est aussi une série d’enjeux en termes d’infrastructure bien sûr : 100 fois plus grand, c’est un passage à une échelle d’industrialisation qui implique de nombreuses complexités. C’est en cela que notre site pilote de développement et d’industrialisation à Grenoble est essentiel, avant de passer à la production standardisée à grande échelle.
Enfin, nous faisons face à un enjeu de vitesse, avec une usine qui doit être opérationnelle à compter de mi-2025. Au total, nous travaillons tous les jours sur une somme considérable de paramètres et de décisions à prendre pour tenir le timing et la réussite opérationnelle du projet.
Votre modèle est innovant aussi en matière de localisation, avec un site de production de cellules de batteries électriques situé à Dunkerque, un site pilote de développement, d’industrialisation et de formation basé à Grenoble, et à terme des voitures électriques produites à Dieppe. Quels sont les atouts et forces vives de l’écosystème Grenoblois sur lesquels vous comptez ?
Grenoble a une riche histoire en matière d’entreprenariat et d’innovation. C’est un terreau très fertile pour travailler sur tous les sujets scientifiques, technologiques, industriels et sociétaux importants pour nous. Sur le front scientifique et technologique, il y a bien sur tout l’écosystème des acteurs de l’innovation dans les domaines de l’énergie, de la chimie et des matériaux, auquel s’ajoutent les acteurs très en pointe, de la recherche fondamentale à l’industrialisation, dans les domaines des semiconducteurs et du digital qui nous aident à penser, concevoir et déployer des processus de production intelligents et durables, de batteries performantes, recyclables et recyclées.
Sur la dimension industrielle, à l’image de Schneider Electric, partenaire fondateur de Verkor né aussi ici à Grenoble (tout comme Cagemini d’ailleurs), c’est une culture industrielle et d’industrialisation d’excellence internationale, ainsi que des écoles de formation sur lesquelles nous nous appuyons pour considérer l’ensemble de la chaine de la valeur, des matériaux aux équipements industriels, jusqu’au recyclage. Enfin, sur le front des enjeux sociétaux, notre objectif est de relever le défi de la production de batteries bas-carbone et de faire partie des précurseurs européens de la filière européenne de la batterie. Au-delà de cette ambition, il s’agit pour nous de contribuer à chaque fois que nous en avons l’occasion aux réflexions de fond et aux actions que l’on peut mettre en place pour accompagner plus largement la transformation de nos modes de production et mode de vie vers la soutenabilité. Cette dimension également très présente et partagée par les acteurs de l’innovation à l’échelle locale. Grenoble foisonne d’innovateurs précurseurs et engagés.
Quel bilan faites-vous de l’année passée ? Quelles sont vos attentes pour 2024 ?
Nous sommes en réalité très concentrés sur notre objectif principal qui est de réussir à mettre en musique une usine à grande échelle en très peu de temps. On consacre toute notre énergie à avancer, et à garder le rythme d’une croissance rapide et performante. Au bilan de 2023 : on avance vite et bien. Notre principale attente pour 2024, en particulier vis-à-vis du territoire, c’est que tous les acteurs se saisissent réellement de l’enjeu des talents. C’est un impératif si l’on veut réussir la transition énergétique. Le sujet concerne en réalité tous les acteurs et pas seulement nous. La transition vers la neutralité carbone, c’est le passage à l’échelle des innovations et solutions soutenables, autrement dit leur industrialisation, leur opérationnalisation, leur déploiement massif. Nous avons des écosystèmes d’innovation et de recherche très performants en Europe. En revanche il nous faut attirer et également former les forces vive de l’excellence industrielle, opérationnelle et commerciale des solutions bas-carbone de demain.