Interview de Nicolas KARST,
Président et co-fondateur de SUBLIMED

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Interview de Nicolas KARST,
Président et co-fondateur de SUBLIMED

L’écosystème grenoblois est très riche et dynamique avec la présence des grands groupes, de superbes établissements de recherches et innovation, mais aussi un ensemble de PME issues des instituts de recherches. Tous ces acteurs travaillent en collaboration et les échanges sont multiples, notamment via des groupes de travail, c’est un réel atout.
De plus la filière médicale est très représentée dans les Alpes avec Medicalps, le cluster des technologies de la santé…

Pouvez-vous présenter l’origine de votre entreprise, décrire son activité et la particularité du dispositif médical développé par SUBLIMED?

SUBLIMED est une startup, issue d’un des programmes d’accompagnement des entrepreneurs du CEA. Elle a été fondée en 2015, en collaboration avec le docteur Jean-Pierre ALIBEU. Nous développons des dispositifs, non médicamenteux, de neurostimulation afin de soulager les douleurs chroniques.

SUBLIMED est née dans un contexte grenoblois favorisant l’émergence de projets innovants dans le domaine de la santé, avec notamment l’inauguration en 2012 de Clinatec par le CEA, le CHU et l’Université. Cet institut de recherche biomédical, rassemble sur un même lieu tous les acteurs de l’innovation pour la santé, avec pour objectif d’amener de la technologie et de l’innovation dans ce domaine. De plus Grenoble est également reconnu comme un pôle dans le domaine de la neurostimulation suite aux découvertes majeures du neurochirurgien grenoblois Alim-Louis Benabid, dans le traitement de la maladie de Parkinson grâce à la stimulation cérébrale profonde (SCP) à haute fréquence. C’est au sein du CHU Grenoble Alpes que j’ai rencontré Jean Pierre ALIBEU, médecin spécialisé dans les douleurs chroniques au centre anti douleur de Grenoble, et découvert la neurostimulation.

La neurostimulation existe depuis les années 60. Cela consiste à envoyer des stimulations électriques de faible intensité au niveau des nerfs pour modifier les informations qui arrivent au cerveau afin de soulager les douleurs chroniques du patient.
Elle présente un grand nombre d’applications dans le secteur de la santé, et peut être utilisée soit en externe soit en implantable. Les équipements traditionnels de neurostimulation externe proposés étaient très contraignants, difficiles à utiliser pour les patients (boîtiers lourds, longs câbles…) et stigmatisants. Nous avons eu l’envie d’améliorer le quotidien de ces patients, souvent très isolés dans leurs souffrances, en développant un produit discret, flexible et facile à utiliser.
C’est comme cela que le projet SUBLIMED est né.

Le dispositif développé par SUBLIMED, combine deux effets : l’inhibition du signal de la douleur, ce qui permet un soulagement immédiat, puis la stimulation de la production d’endorphine, un antalgique naturel, afin d’avoir un effet sur plusieurs heures. De plus avec son boîtier miniaturisé et connecté à un smartphone via une application, les patients peuvent retrouver une vie active.

Ce dispositif, nécessite un accompagnement par des médecins. Il est uniquement disponible sur prescription par les médecins des centres anti douleur (produit actiTENS) ou par les spécialistes rhumatologues ou neurologues, neurochirurgiens spécialisés dans la prise en charge de l’arthrose du genou (produit VitaliTENS).


Quelles sont les conditions de réussite opérationnelle de votre projet ? Pouvez-vous présenter les étapes clés de votre startup depuis sa création ?

Nous avons fait une première levée de fonds de 700 000 euros en juin 2016. Cela nous a permis d’obtenir le marquage CE, autorisation réglementaire qui permet de commercialiser le dispositif en Europe, mais aussi la certification ISO 13485 de SUBLIMED. Nous avons pu lancer la commercialisation de notre premier produit, actiTENS en mars 2018.
Notre deuxième levée de fonds en 2018, nous a permis d’accélérer la commercialisation de la solution, notamment en ouvrant les prescriptions au-delà des centres anti-douleur. En effet, 12 millions de personnes souffrent de douleurs chroniques mais moins de 3 % d’entre elles sont prises en charge par un centre anti-douleur. Nous avions pour projet de nous développer dans le domaine de la rhumatologie et le traitement de l’arthrose du genou. C’est ainsi qu’a démarré notre partenariat avec Les Laboratoires Expanscience. Le groupe, spécialisé dans la prise en charge de l’arthrose, recherchait de nouvelles solutions suite au déremboursement des anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente depuis 2015 et des injections d’acide hyaluronique depuis 2017.
L’arthrose du genou est une maladie particulièrement répandue et invalidante.
Les traitements actuels étant contraignants (chirurgie lourde pour installer la prothèse), il y avait un réel enjeu pour permettre aux patients souffrant de cette pathologie de retrouver une meilleure qualité de vie. Les résultats de l’étude clinique ont permis de démontrer une supériorité dans l’efficacité du dispositif VitaliTENS face aux antalgiques de palier 2. Ils ont également démontré une amélioration de la fonction de l’articulation des patients (score WOMAC). L’assurance maladie a accordé le remboursement du produit, il a pu être lancé sur le marché à partir d’octobre 2022.


Après 6 ans de collaboration, SUBLIMED a été racheté par les Laboratoires Expanscience en mars 2023. Qu’attendez vous de cette collaboration ?

SUBLIMED était d’abord très orienté vers le marché français, plus adapté à l’échelle de la startup. Nous souhaitions nous développer à l’international, mais cela présente un certain nombre de difficultés : la langue bien sûr, mais aussi les différences concernant les réglementations et les stratégies d’accès aux marchés. Cela nécessite également des moyens importants pour créer des relais dans les pays. S’adosser à un grand groupe, déjà très présent à l’international (13 filiales déjà présentes, plus de 1000 collaborateurs dans le monde, et plus de 100 pays distributeurs) va nous permettre de bénéficier de leur force de frappe à l’international (notamment en Europe, en Asie, en Amérique du Sud, et en Australie).
Nous avons également pour objectif de développer notre activité sur le marché américain. C’est le plus gros marché au monde de dispositif médical et le pouvoir d’achat américain est important. De plus les Etats-Unis font face actuellement à une crise sanitaire des opioïdes de grande ampleur, plus de 100 000 morts par an. Notre solution propose une alternative, c’est un vrai intérêt de santé public pour les Etats-Unis et une réelle opportunité pour nous. SUBLIMED a obtenu l’autorisation de la FDA (Food and drug administration) en décembre 2020. Mais le marché américain est extrêmement complexe et fragmenté, avec le découpage en Etat, et cela prend du temps. La commercialisation démarre aux Etats-Unis, nous avons signé nos deux premiers distributeurs en mai 2024.


Vous avez fait le choix de sous-traiter la fabrication. Quels sont vos partenaires industriels ? Quelles sont les compétences et expertises de vos salariés ?

Nous sommes actuellement 20 salariés. Répartis en trois pôles :
– un pôle R&D qui se compose d’ingénieur hardware/software, data science
– un pôle qualité et affaires réglementaires qui permet de gérer le système de management de la qualité Iso 13485, le marquage CE à renouveler tous les 5 ans, le passage au nouveau règlement européen relatifs aux dispositifs médicaux
– un pôle commercial et service client
La plupart des salariés a déjà travaillé dans le domaine du médical, ce qui permet de comprendre plus facilement l’ensemble des normes et process à respecter dans ce milieu.
Suite à l’acquisition par les Laboratoires Expanscience, nous sommes dans une optique d’organisation et croisement des compétences entre nos deux structures.
SUBLIMED est totalement « fabless », il n’y a pas de production en interne. Nous avons fait le choix d’externaliser, cela permet de mutualiser les équipements (robots, les bandes tests électroniques, les moules d’injections plastiques,…) et les compétences. La création d’une usine aurait nécessité un investissement important en terme de coûts plus le développement de compétences différentes et spécifiques.

Nos deux partenaires principaux sont situés en région grenobloise. Maatel, pour la partie circuit électronique est localisé également à Moirans. STI Plastics, à Saint Marcellin, s’occupe de la partie injection plastique et assemblage. Ces deux entreprises sont spécialisées dans le médical et certifiées Iso 13485, norme internationalement reconnue attestant la qualité et la sécurité exigée dans le secteur des dispositifs médicaux. Travailler avec des partenaires locaux est un choix de production qui coûte plus cher, mais qui a du sens pour moi.

 

Pourquoi avez-vous fait le choix d’un développement sur la région grenobloise. En quoi le territoire répond à vos besoins ? 

En 2015, nous avons été lauréats du Réseau Entreprendre Isère. Nous avons obtenu un prêt d’honneur pour le lancement de SUBLIMED, nous avons été accompagnés pendant 3 ans par un chef d’entreprise. J’ai bénéficié de ses conseils, de son expérience et cela m’a permis d’éviter de me sentir isolé en tant que dirigeant d’entreprise. Aujourd’hui, convaincu des bénéfices de ce réseau d’entraide, je suis devenu membre bénévole et j’accompagne à mon tour des entrepreneurs locaux.
L’écosystème grenoblois est très riche et dynamique avec la présence des grands groupes, de superbes établissements de recherches et innovation, mais aussi un ensemble de PME issues des instituts de recherches. Tous ces acteurs travaillent en collaboration et les échanges sont multiples, notamment via des groupes de travail, c’est un réel atout.
De plus la filière médicale est très représentée dans les Alpes avec Medicalps, le cluster des technologies de la santé, qui regroupe 120 adhérents, dont SUBLIMED.


Quel bilan faites vous des deux dernières années et quelles sont vos perspectives pour 2024 ? 

Obtenir le remboursement de notre produit par l’assurance maladie a été une grande fierté pour nous. Cette prise en charge permet aux personnes souffrant d’arthrose du genou, d’accéder plus facilement à une solution pour améliorer leur quotidien.
L’acquisition de SUBLIMED par Les Laboratoires Expanscience permet de faire rayonner la région grenobloise. De plus faire partie d’un grand groupe a fait évoluer la dynamique de la start-up : cela permet de faciliter notre déploiement à l’international, notre priorité, tout en consolidant notre présence en France.
SUBLIMED continue son développement en 2024 et s‘ouvre à de nouveaux champs d’innovation avec de nouveaux projets concernant la santé de la femme et plus particulièrement l’endométriose.

BIOGRAPHIE

Nicolas Karst, docteur en génie des procédés à l’INP de Grenoble, a été ingénieur de recherche au sein du CEA entre 2010 et 2015. Il a travaillé notamment sur des thématiques liées aux énergies renouvelables C’est au travers de l’un des programmes d’accompagnement du CEA, qu’il a développé son projet de création d’entreprise. Ses rencontres au sein du CEA et de Clinatec, l’ont amené à échanger avec de nombreux médecins et spécialistes de la santé. Nicolas Karst a créé SUBLIMED en 2015, suite à sa rencontre avec le Dr. Jean-Pierre Alibeu, ancien chef de service du centre anti-douleur du CHU de Grenoble. Avec comme objectif : soulager les douleurs chroniques.